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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
13/01/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 6 janvier 2020.
Péremption d’instance – saisine du juge commissaire
Vu l'article L. 622-24 du Code de commerce et l'article 386 du Code de procédure civile ;
La péremption d'instance a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties ; que les créanciers du débiteur en redressement judiciaire n'ont aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances, les opérations de vérification des créances incombant au mandataire judiciaire et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant ;
Selon les arrêts attaqués, que la société Biscuiterie Jeannette a été mise en redressement judiciaire le 21 janvier 2009, procédure qui a été convertie en liquidation judiciaire ; que la société Lixxbail, liée à la société débitrice par trois contrats de crédit-bail portant sur divers matériels, a revendiqué ces matériels et a déclaré trois créances au titre des trois contrats ; que le juge-commissaire a ordonné la restitution des matériels, objets des trois contrats, par ordonnances distinctes du 28 juillet 2009 contre lesquelles un recours a été formé par la société débitrice ; que cette dernière a contesté les créances déclarées par le crédit-bailleur, en invoquant pour chacune d'entre elles l'existence de l'instance en cours sur la revendication des matériels ; que par trois ordonnances du 10 novembre 2010, le juge-commissaire a constaté l'existence d'une instance en cours et dit que la partie la plus diligente devra le saisir pour voir fixer la créance ; qu'un arrêt du 17 novembre 2011 a confirmé la restitution des matériels au profit du crédit-bailleur ; que le 20 novembre 2014, ce dernier a demandé au juge-commissaire la fixation de ses créances, déduction faite, pour chacune d'entre elles, du prix de revente du matériel ; que la société débitrice lui a opposé la péremption de l'instance ;
Pour dire l'instance périmée, l'arrêt retient qu'il appartenait à la partie la plus diligente de saisir à nouveau le juge-commissaire dans les deux ans de l'arrêt rendu le 17 novembre 2011 mettant fin à l'instance en restitution, et ce afin d'éviter la péremption, que le créancier, qui est la partie qui a naturellement intérêt à la fixation de sa créance, devait solliciter la réinscription de l'instance en fixation au plus tard le 17 novembre 2013 et que, sa demande datant du 20 novembre 2014, l'instance est atteinte par la péremption ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
Cass. com., 8 janv. 2020, n° 18-22.606, P+B*

Redressement judiciaire – interdiction de gérer
« Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018,RG no 16/09049), interprété et rectifié par un arrêt du 20 avril 2018, que le groupe Quinta industries était constitué, en particulier, de la société anonyme Quinta industries, qui avait pour actionnaire et administrateur la société Quinta communications, dirigée par Monsieur X, et qui détenait des technologies de communication (la société LTC), détenant elle-même la société Scanlab ; que la société Quinta industries a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires les 3 novembre et 15 décembre 2011, Monsieur Y étant désigné liquidateur ; que ce dernier a notamment assigné la société Quinta communications, en qualité de dirigeant de fait et de droit, et Monsieur X, en qualité de représentant permanent de celle-ci au sein de la société débitrice, en responsabilité pour insuffisance d'actif et en outre, pour le second, en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer ; que la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, a été mise en redressement judiciaire le 14 novembre 2018, Monsieur Z étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire
(…) Mais en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société Quinta communications était actionnaire et dirigeant de la société débitrice, holding, tandis que Monsieur X était dirigeant de droit de la société Quinta communications et représentant permanent de celle-ci au sein de la société débitrice, l'arrêt relève qu'en 2006, la société Quinta communications a vendu à la société débitrice 58,27 % du capital de la société Duran, qui bénéficiait d'un plan de redressement judiciaire depuis 2003 et enregistrait, depuis 2006, un résultat déficitaire, sans que la société Quinta communications n'ait alloué à la société débitrice des fonds lui permettant d'assurer le respect de ce plan ; que l'arrêt relève encore que les pertes de la société Duran ont été financées par la société débitrice, via l'augmentation de son compte courant, passé de 6 100 000 euros en 2006 à 21 700 000 euros, et que, la société débitrice ne générant aucune ressource propre, ce compte était uniquement alimenté par les bénéfices de ses deux filiales, les sociétés LTC et Scanlab, qui lui versaient des avances de trésorerie depuis 2007, sans que ces avances ne leur soient remboursées ; que l'arrêt ajoute qu'en 2008, un expert-comptable a alerté sur les risques que ces avances faisaient encourir à la société débitrice et à ses dirigeants, ainsi que sur le caractère anormal de ces avances au regard des possibilités financières des filiales précitées, en indiquant que « la question pourrait devenir fort embarrassante » si ces dernières se retrouvaient en difficultés financières, ce qui était le cas puisqu'elles enregistraient déjà des retards de paiement au titre des charges sociales et impôts ; que l'arrêt constate que ces avances se sont poursuivies après cette alerte et que la société Quinta communications les a même accrues sur le premier semestre 2011, avant de se désengager à compter du 30 septembre 2011, son compte courant au sein de la société débitrice étant alors ramené à 0 euro, cependant qu'il était créditeur de 4 559 004,66 euros au 31 décembre 2010 ; que l'arrêt en déduit que ces avances ont conduit à la ruine de la société holding et des filiales ayant effectué des apports ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que la société Quinta communications a sacrifié les intérêts de la société débitrice en lui cédant une société en difficulté, puis en lui consentant des avances ayant conduit à la vider de sa trésorerie, avant de lui retirer tout soutien financier malgré ses engagements en ce sens, la cour d'appel a pu retenir que Monsieur X avait favorisé la société Quinta communications dans laquelle il était intéressé, dès lors qu'il en était le dirigeant et que celle-ci était l'actionnaire majoritaire de la société débitrice qui lui versait une rémunération, et que ces faits, prévus et sanctionnés par l'article L. 653-4, 3o, du Code de commerce, justifiaient le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer à son égard ;
En second lieu, que le rejet des première et deuxième branches de ce moyen rend sans portée la demande de cassation par voie de conséquence »
Cass. com., 8 janv. 2020, n° 18-15.027, P+B*

Juge commissaire – association – dirigeant de fait
 
« Selon l'arrêt attaqué (Caen, 24 mai 2018), que l'Association rurale d'accueil et de jeunes autour du cheval (l'association) a été mise en liquidation judiciaire le 13 octobre 2015, Madame X étant désignée en qualité de liquidateur ; que ce dernier ayant demandé au juge-commissaire l'autorisation de vendre les actifs mobiliers dépendant de la liquidation judiciaire, sur le fondement de l'article L. 642-19 du Code de commerce, Madame Y ancienne salariée de l'association et licenciée dans le cadre de la procédure collective, a présenté une offre d'acquisition amiable de ces biens ; que le juge-commissaire a déclaré cette offre irrecevable en application de l'article L. 642-3 du Code de commerce, au motif que Madame Y avait exercé la direction de fait de l'association
(…) Mais il résulte de la combinaison des articles L. 642-20 et L. 642-3 du Code de commerce que le dirigeant de fait de la personne morale débitrice mise en liquidation judiciaire ne peut acquérir les biens de celle-ci ; que l'arrêt relève, d'abord, que Madame Y, directrice salariée du lieu de vie et d'accueil de l'association, chargée de la gestion du personnel et de la gestion financière de l'association, s'est vue déléguer par le directeur, dirigeant de droit, le 27 juin 2014, l'ensemble de ses pouvoirs, c'est-à-dire ceux de le représenter légalement, de signer en son nom, de pratiquer, dans le cadre de sa mission, toute opération nécessaire à la bonne marche et à la gestion de l'établissement, notamment en matière bancaire, en matière d'emprunt et fiscale, de faire pratiquer toute intervention médicale ou chirurgicale et de prendre toute décision nécessaire à l'encadrement et à la protection des mineurs confiées à l'établissement ; qu'il relève, ensuite, qu'à la différence de Madame Y, le directeur de l'association n'était pas habituellement présent, et ce même lorsque l'association se heurtait à des difficultés sérieuses ou que son avenir était en jeu ; qu'il relève ainsi que le 12 mars 2015, le directeur ne s'est pas rendu au rendez-vous fixé par des représentants du conseil départemental afin d'évoquer des dysfonctionnements au sein de l'établissement géré par l'association, seule Madame Y s'étant rendue à cette convocation, que si le directeur a effectué la déclaration de cessation des paiements, il a été dans l'obligation d'attendre le retour de congé de Madame Y pour disposer de l'ensemble des éléments nécessaires à cette déclaration et qu'il a donné pouvoir à celle-ci et au trésorier pour le représenter à l'audience à l'issue de laquelle l'association a été mise en liquidation judiciaire ; que l'arrêt en déduit que Madame Y se trouvait investie de la totalité des prérogatives inhérentes à la gestion de l'association ; qu'il ajoute, d'un côté, que Madame Y a conclu, au nom de l'association, un prêt de 89 000 euros destiné à financer la construction de manèges sur des terrains loués par l'association et appartenant à une SCI dont Madame Y était la gérante associée, de l'autre, que cette dernière détenait à l'égard de l'association deux créances de 17 628 et 1 786 euros correspondant, selon l'intéressée, à des salaires non perçus dont elle n'entend pas demander le remboursement ; que l'arrêt retient que ces actes ne relèvent pas de ceux qu'accomplit un directeur salarié et en déduit que, conjugués aux autres éléments précités, ils caractérisent la gestion de fait de l'association par Madame Y qui en contrôlait effectivement et constamment la direction ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que Madame Y a exercé, en toute indépendance, une activité positive de gestion et de direction de l'association excédant ses fonctions de directrice salariée, la cour d'appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision »
Cass. com., 8 janv. 2020, n° 18-20.270, P+B*

Interdiction de gérer – société anonyme – membre du conseil de surveillance
 
« Vu les articles L. 225-68 et L. 653-8, alinéa 1er, du Code de commerce ;
Selon l’arrêt attaqué, que, dans le cadre de la procédure collective de la société Quinta industries, un arrêt du 20 février 2018, rectifié par un arrêt du 20 avril 2018, a prononcé contre Monsieur X une mesure d'interdiction de gérer d’une durée de trois années ; que considérant que l’interdiction de gérer s’appliquait aux membres du conseil de surveillance d’une société anonyme, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés (RCS) de Lyon a, par une ordonnance du 11 juillet 2018, enjoint à Monsieur X, en sa qualité de membre du conseil de surveillance de la société anonyme Euronews immatriculée à ce RCS, de régulariser sa situation dans un certain délai, à défaut de quoi il serait procédé à sa radiation du RCS ;
Pour confirmer la décision du juge commis à la surveillance du RCS, l’arrêt retient que le mandat de membre du conseil de surveillance de la société Euronews, exercé par Monsieur X, est affecté par l'interdiction de gérer prononcée contre celui-ci par l'arrêt du 20 février 2018, dès lors qu’une telle fonction, certes étrangère à celles de gestion et de direction, constitue cependant une fonction de contrôle ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’interdiction de gérer, prévue par le second des textes susvisés, ne concerne pas les membres du conseil de surveillance d’une société anonyme qui, en vertu du premier de ces textes, n’exercent qu’une mission de contrôle de la gestion de la société par le directoire, et non une fonction de direction, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Cass. com., 8 janv. 2020, n° 18-23.991, P+B*


 *Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 13 février 2020
Source : Actualités du droit