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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
28/10/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 21 octobre 2019.
Fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité proportionnalité cumul des sanctions pénales et fiscales
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. L’administration fiscale a déposé plainte, après avis de la commission des infractions fiscales, à l’encontre de M. X, directeur salarié de la société Acces Garden SA, société de droit suisse, spécialisée dans le négoce de matériel de jardinage, qu’il a créée en 2000 et dont il était l’unique actionnaire. Elle a considéré qu’il était le gérant de fait de l’établissement stable en France de ladite société.
Le procureur de la République, après avoir diligenté une enquête préliminaire, a fait citer M. X devant le tribunal correctionnel afin d’y être jugé des chefs d’omission d’écritures en comptabilité, et de fraude fiscale par omissions déclaratives portant sur la taxe sur la valeur ajoutée et les résultats en vue de l’établissement de l’impôt sur les sociétés.
Le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et l’a condamné à un an d’emprisonnement, 30 000 euros d’amende, l’interdiction définitive d’exercer toute profession commerciale et la confiscation des objets saisis. L’administration fiscale a été reçue en sa constitution de partie civile, et les premiers juges ont dit que le prévenu sera tenu solidairement avec la société du paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes.
Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel. Devant la cour d’appel, par conclusions régulièrement déposées, le prévenu a fait valoir, à l’appui d’une demande de relaxe, que la société Access Garden, qui a formé une réclamation contentieuse, a fait l’objet de pénalités fiscales au taux de 80 %, soit le taux maximal de celles applicables, et qu’il convient de faire application de la réserve émise par le Conseil constitutionnel portant sur la proportionnalité du cumul des sanctions pénales et fiscales.
 
Après avoir déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale et d’omissions comptables, et pour confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à une amende pénale de 30 000 euros et a prononcé, à la demande de l’administration fiscale, la mesure de solidarité fiscale, l'arrêt énonce notamment, s’agissant de la réserve d’interprétation relative à la limitation du montant cumulé des pénalités fiscales et des amendes pénales, que les poursuites ne sont pas engagées à l’égard de la société qui a fait l’objet desdites pénalités mais à celui de M. X en qualité de personne physique.

En l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche inopérante, a justifié sa décision sans méconnaître le principe de proportionnalité et les textes visés au moyen.
 
En effet, d’une part, le principe de proportionnalité du cumul des sanctions pénales et fiscales ne s’applique pas au prononcé de sanctions à l’encontre du prévenu, dirigeant de société lorsque celle-ci est la redevable légale de l’impôt.
D’autre part, la solidarité fiscale prévue à l'article 1745 du Code général des impôts, qui constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, ne constitue pas une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 de sorte que le principe susvisé n’est pas applicable.
 
Au regard de l'article 132-19 du Code pénal,
Il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction.
Pour condamner M. X à la peine d’un an d’emprisonnement, la cour d'appel énonce que le jugement sera confirmé sauf à assortir partiellement la peine d'emprisonnement prononcée d'un sursis alors que seule une peine d'emprisonnement en partie ferme paraît en mesure de signifier au prévenu la gravité de ses agissements au regard de l'ampleur de la fraude et de son caractère élaboré.
En prononçant ainsi, par des motifs contradictoires et sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu qu'elle a pris en considération pour fonder sa décision et sans constater que le prévenu, représenté et non comparant devant elle, n'avait fait produire aucun élément de nature à justifier de sa situation, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé.
 
Au regard de l'article 111-3 du Code pénal,
Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
Après avoir déclaré le prévenu coupable des faits de fraude fiscale et d’omission d'écritures en comptabilité commis en 2009 et 2010, l'arrêt le condamne à une interdiction définitive d’exercer toute profession commerciale.
En prononçant ainsi une peine complémentaire d'une durée supérieure à celle prévue par l'article 1750 du Code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, l’interdiction ne pouvant être prononcée que pour une durée maximale de trois ans, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés ».
Cass. crim., 23 oct. 2019, n° 18-85.088, P+B+I*
 
Saisie spéciale – copie des déclarations
Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Il résulte de ce texte que la chambre de l'instruction saisie d'un recours formé contre une ordonnance de saisie spéciale au sens des articles 706-141 à 706-158 du Code de procédure pénale, qui, pour justifier d'une telle mesure, s'appuie sur une ou des pièces précisément identifiées de la procédure, est tenue de s'assurer que celles-ci ont été communiquées à la partie appelante ;
 
Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une enquête diligentée à l'encontre de MM. X des chefs susvisés (d'abus de biens sociaux, banqueroute, abus de confiance, escroquerie, blanchiment et travail dissimulé, a confirmé l’ordonnance de saisie pénale du juge des libertés et de la détention), le juge des libertés et de la détention a autorisé, par ordonnance du 30 mars 2018, la saisie immobilière en valeur d'un immeuble à usage d'habitation appartenant à M. Y ; que le conseil de ce dernier a relevé appel de la décision ;
 
Pour confirmer l’ordonnance attaquée, l’arrêt retient notamment que MM. X sont susceptibles d'être mis en examen ou poursuivis des chefs d'abus de biens sociaux, banqueroute, abus de confiance, escroquerie, blanchiment et travail dissimulé, que le produit généré par tout ou partie de ces infractions peut être provisoirement évalué à la somme de 436 870 euros et que l'immeuble objet de la saisie a été évalué à 405 000 euros par France domaines ;
Les juges ajoutent qu'il ne peut être raisonnablement soutenu que M. Y, qui a indiqué une profession mensongère sur l'acte notarié, puisse être considéré comme propriétaire de bonne foi, alors qu'il résulte sans aucune ambiguïté des déclarations des frères X, en particulier de celles de M. G. X, qu'il leur a servi en toute connaissance de cause de prête-nom pour l'acquisition du terrain sur lequel a été édifié l'immeuble saisi, et que cette acquisition a pu être financée par M. Y grâce à un virement opéré préalablement sur son compte roumain par la société J&Co, créée par M. J. X, société ayant participé à la commission des infractions ;
 
Qu'ils énoncent enfin que les frères X avaient par ailleurs manifestement la libre disposition de l'immeuble, puisqu'ils le mettaient notamment en location sur internet pour la saison estivale en mentionnant comme nom de propriétaire celui de M. X, que, selon les déclarations de ce dernier, le montant des loyers perçus était viré sur le compte de la société J&Co, et qu'il y a ainsi lieu de les considérer comme les propriétaires économiques réels de l'immeuble, l'acquisition par le seul M. Y du terrain sur lequel allait être édifié ledit immeuble n'étant qu'un montage destiné à éviter que les mis en cause n'apparaissent comme les propriétaires juridiques du bien ;
 
Mais en statuant ainsi, sans s'assurer que M. Y a été destinataire d'une copie des déclarations de MM. X sur lesquelles la juridiction se fonde, dans ses motifs décisoires, pour confirmer la saisie contestée, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ».
Cass. crim., 23 oct. 2019, n° 18-87.097, P+B+I *
  
Détournement de fonds – directeur administratif et financier – saisie – ordonnance de refus de restitution
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Nacarat, qui exerce une activité de promotion immobilière et gère, à ce titre, trois cent sociétés civiles de construction vente (SCCV), a dénoncé les agissements de son directeur administratif et financier, M. X, qui, en recourant à plusieurs comptes bancaires ouverts au nom de son employeur mais non enregistrés en comptabilité, aurait détourné des fonds pour un montant total de 12 601 723 euros dont 8 263 392,15 euros ont servi au règlement de dépenses personnelles, dont la construction et l’aménagement d’un bien immobilier au nom du mis en examen, l’acquisition d’un bien immobilier au profit de ses beaux-parents, tandis que la somme de 3 224 122 euros a été déposée sur des comptes bancaires et des contrats d’assurance-vie au nom des époux X et de leurs enfants ainsi que sur les comptes des sociétés Lille Car et Logimmo Conseil, dirigées par le mis en examen ; qu’au cours de l’enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention a autorisé le procureur de la République à saisir, en valeur, le solde créditeur des dix-huit comptes bancaires et contrats d’assurance-vie ouverts susvisés, ainsi que plusieurs biens immobiliers dont l’un a été vendu, après autorisation du même magistrat, pour une somme de 850 000 euros qui a été consignée par le notaire sur un compte de la caisse des dépôts et consignation et affecté au paiement de la société Nacarat en substitution de l’hypothèque judiciaire prise par cette dernière le 12 février 2015 ; que, dans le cadre de l’information ouverte à la suite des premières investigations, M. X a été mis en examen des chefs d’escroquerie, abus de confiance et blanchiment tandis que son épouse l’a été du chef de recel de ces délits ; que, parallèlement, par jugement du 26 mai 2015, le tribunal de commerce de Lille a ouvert, à l’encontre de la société Logimmo Conseil, une procédure de liquidation judiciaire qui a été étendue à M. X par décision du 28 mars 2017 ; que, le 18 juillet 2017, la société Nacarat, partie civile, a sollicité la restitution des fonds saisis sur les comptes bancaires et les contrats d’assurance-vie ainsi que de ceux résultant de la vente du bien immobilier, ce que le juge d’instruction a refusé par ordonnance du 20 juillet 2017 dont la demanderesse a interjeté appel ;
 
Pour confirmer l’ordonnance de refus de restitution rendue par le juge d’instruction, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l’article 99 du Code de procédure pénale, et souligné que les mis en examen encourent la peine de confiscation conformément aux dispositions des articles 313-7, 4o, 314-10, 6o, 324-7, 8o et 131-21 du Code pénal, notamment, pour la chose étant le produit de l’infraction, énonce que la restitution sollicitée n’est pas de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité et ne présente aucun danger pour les personnes ou pour les biens, que les sommes figurant sur les comptes bancaires étant par nature fongibles, la société Nacarat, qui n’est pas la seule partie civile, ne peut pas en revendiquer la propriété et que, par ailleurs, M. X fait l’objet d’une procédure collective qui interdit tout paiement direct aux créanciers qui doivent produire à ladite procédure ;
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
 
En effet, d’une part, la victime d’escroquerie et d’abus de confiance ne peut être considérée comme propriétaire des fonds qui en sont le produit au sens de l’article 99, alinéa 4, du Code de procédure pénale, lorsque ceux-ci ont été déposés sur un compte bancaire ou versés à titre de primes d’un contrat d’assurance-vie ouverts au nom de la personne mise en examen ou de membres de sa famille ;
 
D’autre part, la mise en liquidation judiciaire de la personne poursuivie, qui ne s’oppose pas à son éventuelle condamnation à une peine de confiscation et à une mesure préalable de saisie destinée à garantir l’exécution de celle-ci, la confiscation ne pouvant s’analyser comme une action en paiement, fait obstacle à toute demande de restitution au stade de l’information ;
 
Il peut être relevé que les droits de la partie civile qui a bénéficié d’une décision définitive lui accordant des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’une infraction pénale sont préservés par la faculté dont elle dispose, en application de l’article 706-164 du Code de procédure pénale, d’obtenir de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués que ces sommes lui soient payées par prélèvement sur les fonds ou sur la valeur liquidative des biens de son débiteur dont la confiscation résulte d’une décision définitive ».
Cass. crim., 23 oct. 2019, n° 18-85.820, P+B+I*
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 28 novembre 2019
Source : Actualités du droit