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Prison et vaccination : pas de priorité pour les détenus

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
09/02/2021
Le 5 février 2021, la Haute juridiction administrative a jugé que la décision de ne pas inscrire par priorité au reste de la population, l’ensemble des personnes détenues dans la première phase de la campagne vaccinale ne révèle pas de carence grave et manifestement illégale.
L’association Robin des Lois a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’enjoindre au Premier ministre de compléter l’instruction interministérielle relative à la planification de l’étape 1 du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19 pour inclure l’ensemble des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.
 
En effet, les ministres des solidarités et de la santé et de l’intérieur ont précisé le cadre de mise en œuvre de la première étape. Elle est ciblée :
- sur les personnes âgées résidant dans les établissements et les hébergements de longue durée et dans les services de long séjour ainsi que dans d’autres lieux d’hébergement ;
- sur les professionnels exerçant dans ces établissements et présentant eux même un risque accru de forme grave ou de décès (plus de 65 ans et/ou présence de comorbidité).
 
Le Gouvernement a complété la liste des personnes susceptibles d’être vaccinées lors de la première étape, à savoir, précise le Conseil d'Etat :
- à compter du 4 janvier 2021, les professionnels de santé et du secteur médico-social, les pompiers et les aides à domicile âgés de 50 ans et plus et/ou présentant des comorbidités et des personnes handicapées hébergées dans des établissements spécialisés ainsi que leurs personnels âgés de 50 ans et/ou présentant des comorbidités peuvent être vacciné ;
- à compter du 18 janvier 2021, les personnes âgées de plus de 75 ans et plus vivant à domicile et aux personnes vulnérables à haut risque atteintes de certaines affections.
 
L’association requérante soutient alors que cette instruction ne fait pas mention des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.
 
Le Conseil d’État relève néanmoins que les personnes détenues faisant partie « des publics cibles (…) n’en sont pas exclues du fait de leur situation de détention ». La vaccination dans la première phase des plus de 200 détenus âgés de plus de 75 ans est prévue ainsi que celle des personnes exposées à un très haut risque. « L’administration indique que la vaccination a d’ores-et-déjà débuté » est-il précisé. « Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la requête, la situation des personnes détenus dans les établissements pénitentiaires est prise en compte à égalité avec le reste de la population dans le cadre de la campagne vaccinale » relève le juge des référés.
 
Aussi, l’association invoque une atteinte au droit à la vie et à la protection de la santé pour les personnes détenues. Le Conseil juge lui :
- qu’il ne résulte pas de l’instruction interministérielle que les personnes détenues, prises dans leur ensemble, présentent un risque particulier de développer des formes graves ou mortelles ;
- que même si l’association requérante « invoque les risques particuliers de propagation du virus dans les établissements pénitentiaires eu égard aux conditions de détention, il n’existe pas, en l’état actuel des connaissances scientifiques, de certitude sur l’efficacité possible du vaccin contre la Covid-19 quant à la réduction des risques de transmission de la maladie » ;
- que pour limiter la propagation du virus, l’administration pénitentiaire a pris des mesures destinées à faire respecter les gestes barrières, procède à la distribution de masques, impose le port dès la sortie de cellules, applique des mesures de confinement aux détenus transférés et conduit des campagnes de dépistage ;
- et que la situation de l’ensemble des personnes détenus fait l’objet d’une prise en compte particulière, elles sont inscrites dans la quatrième phase de la campagne de vaccination et elle « leur sera donc ouverte à titre prioritaire avant l’ensemble de la population qui ne présente pas de facteurs de risque identifiés, inscrite dans une cinquième phase de la campagne ».
 
Alors, « si la situation des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires justifie une vigilance particulière, la décision de ne pas inscrire l’ensemble de ces personnes parmi les publics prioritaires susceptibles de recevoir une injection dès la première phase de la campagne vaccinale ne révèle pas, compte tenu des priorités retenues pour la vaccination et des caractéristiques de ces personnes, de carence grave et manifestement illégale justifiant que le juge des référés ordonne la mesure demandée ». La requête est donc rejetée.
 
Notons également que dans un courrier datant du 26 janvier 2021, la Contrôleure générale des lieux de privations de libertés a tenu à alerter les ministres de la santé et de la justice sur la situation spécifique des personnes privées de liberté et des professionnels. Elle soutenait « les critères retenus pour la stratégie nationale de vaccination ne peuvent leur être transposés mécaniquement. Une stratégie de vaccination spécifique aux établissements pénitentiaires est donc plus que souhaitable, sans écarter un plan de vaccination général, comprenant le personnel pénitentiaire, lui aussi touché » (CGLPL, 26 janv. 2021).
 
Le ministre de la Justice a alors affirmé le 5 février qu’en prison « il y a 123 cas positifs » à la Covid-19 « ce qui représente 0,2% de la population détenue » et que 43 détenus ont déjà été vaccinés sur les 204 âgés de plus de 75 ans (France Info, 5 févr. 2021).
 
 
Source : Actualités du droit