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Justice pénale des mineurs : Actualités du droit vous dévoile le projet de Code présenté en conseil des ministres

Pénal - Procédure pénale, Peines et droit pénitentiaire, Droit pénal spécial, Vie judiciaire, Droit pénal général
11/09/2019
Soumis à l’examen du Conseil d’État cet été, une nouvelle version du projet de Code de justice des mineurs a été présentée le 11 septembre 2019 en conseil des ministres. Ce qu’il faut retenir des évolutions du texte.
Ce projet de Code était à l’ordre du jour du conseil des ministres le mercredi 11 septembre 2019. Rappelons que le gouvernement avait jusqu’au 23 septembre pour le présenter (l’article 93 de la loi de programmation pour la justice imposait en effet un délai de six mois). En juin dernier, la ministre de la Justice avait révélé un premier projet de Code contenant 259 articles (v. Ce qu’il faut retenir du projet de Code de justice pénale des mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019). De nombreux professionnels avaient alors dénoncé ce texte.
 
10 % des articles modifiés
Sa nouvelle version, dévoilée par Actualités du droit, contient 262 articles, toujours répartis dans sept livres. Entre nouveaux articles, suppressions ou reformulations, c’est plus de 10 % des articles du premier projet qui ont été modifiés par rapport à la version rendue publique en juin dernier. 
 
L’avis du Conseil d’État n’a pas été publié à ce jour. Mais « le corps de la réforme n’a pas été remis en cause », selon une source officielle. Deux mesures feraient néanmoins l’objet d’exclusions :
  • l’autorisation des fouilles par les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, disposition qui dépasserait l’habilitation ;
  • la possibilité pour le tribunal de police de prononcer des peines à l’égard des mineurs.
Dans son avis, le Conseil d’État suggère aussi de revoir les mesures éducatives, « afin qu’elles ne puissent pas être cumulées à titre de condamnation avec autant de latitude qu’elles peuvent l’être à titre pré-sentenciel », explique cette même source.
 
Un nouvel article pour poser les principes directeurs de la justice pénale des mineurs
Parmi les grandes modifications : l’ajout d’un article préliminaire qui dispose que « la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre conformément aux dispositions du présent Code, en prenant en compte l’atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».
 
Ces nouvelles dispositions peuvent justifier le retrait de l’article L. 012-1 du premier projet qui imposait la spécialisation des juridictions.
 
Trois articles supplémentaires pour encadrer le recueil de renseignements socio-éducatifs
D’autres articles ont également été ajoutés. Certains concernent les mesures d’investigation sur la personnalité et la situation du mineur (v. Dispositions communes aux différentes phases de la procédure pénale applicable aux mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019). Pour mémoire, le recueil de renseignements socio-éducatifs peut être ordonné pour obtenir des éléments sur le mineur avant toute mesure éducative ou peine prononcée à l’encontre de ce dernier. Ces nouveaux articles prévoient que :
  • « Lorsque le procureur de la République saisit le juge des enfants, le juge d’instruction ou le tribunal pour enfants, il ordonne un recueil de renseignements socio éducatifs, sauf s’il dispose d’éléments de personnalité suffisants versés au dossier. Le recueil de renseignements socio-éducatifs est joint à la procédure » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 322-4) ;
  • « Le recueil de renseignements socio éducatifs est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire d’un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 322-4) ;
  • « Les dispositions des articles L. 322 4 et L. 322 5 s’appliquent même lorsque l’intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu’il n’a pas atteint ses vingt et un ans » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 322-6).
 
Le délai d’audience fixé en cas de révocation d’une mesure restrictive de liberté
Un nouvel article indique qu’en cas de révocation du contrôle judiciaire, de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou encore de placement en détention provisoire du mineur, « l’audience de jugement doit avoir lieu dans un délai ne pouvant excéder un mois, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 423-12).
 
Des nouveautés concernant le jugement du mineur
Dans le livre consacré au jugement du mineur (v. Du jugement du mineur, Actualités du droit, 5 juill. 2019), un nouvel article concerne le renvoi sur intérêts civils. Il dispose que « le juge des enfants ou le tribunal pour enfants peut, dans les cas prévus par le troisième alinéa de l’article 464 du Code de procédure pénale, renvoyer l’examen de l’action civile à une audience du juge des enfants statuant en chambre du conseil.
Lorsque le préjudice est grave et complexe, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants peut renvoyer l’examen de l’action civile devant la juridiction mentionnée à l’alinéa 4 de l’article 464 du Code de procédure pénale.
Lorsque le mineur est impliqué dans la même cause qu'un ou plusieurs majeurs, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants peut également, d’office ou à la demande de la partie civile, renvoyer l’examen de l’action civile contre tous les responsables devant les juridictions pour majeurs compétentes.
Dans les cas prévus aux alinéas 2 et 3, les mineurs ne comparaissent pas à l'audience, mais seulement leurs représentants légaux. À défaut de choix d'un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, il en est désigné un d'office » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 512-3).
 
Une précision a aussi été ajoutée à l’article L. 521-21 du nouveau projet sur la période de la mise à l’épreuve éducative : « Si l’évolution de la situation du mineur pendant la période de mise à l’épreuve éducative le justifie, le juge des enfants peut modifier la date de l’audience de prononcé de la sanction ou la juridiction de renvoi qui a été fixée en application de l’article L. 521 13, dans le respect des délais prévus au premier alinéa du présent article ».
 
Un renvoi à la définition du mineur en droit civil
Autre point d’évolution du texte : l’article L. 11-1 (ancien L. 011-1) concernant le discernement du mineur. L’ancien projet prévoyait que « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables ». Le nouvel article dispose désormais que « lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables » (v. Focus sur les principes généraux de la justice pénale des mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019).
 
Le module réparation remanié
Les dispositions relatives au module réparation ont, en outre, été retouchées. (v. Des mesures éducatives et des peines applicables aux mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2019). Il faut rappeler qu’il s’agit d’une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. Il était indiqué dans l’ancien projet qu’il « peut également consister en une activité de médiation entre le mineur et la victime, à la demande ou avec l'accord de cette dernière ». La nouvelle mouture souligne qu’outre une activité de médiation, « la juridiction recueille les observations du mineur et de ses représentants légaux avant de prononcer un module réparation » (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art. L. 112-8).  
 
Nouvelles mesures pour la consultation du dossier unique de personnalité
Des précisions ont été apportées au dossier unique de personnalité (nécessaire lorsque le mineur fait l’objet d’une mesure de sûreté, d’une mesure éducative ou d’une mesure d’investigation). Celles-ci figurent à l’article L. 322-8 :
  •  « le juge d’instruction saisi d’une procédure concernant un mineur transmet au juge des enfants les pièces devant être versées au dossier unique de personnalité » ;
  • « les conditions dans lesquelles le dossier unique de personnalité est conservé après la majorité du mineur sont précisées par décret en Conseil d’État ».
Le texte apporte également une nouveauté : le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention pourront désormais consulter ce dossier (Projet de Code de la justice pénale des mineurs, art L. 322-10).
 
Quid de l’entrée en vigueur ?
La justice pénale des mineurs fait donc l’objet du projet de réforme le plus important depuis 1945, par voie d’ordonnance. Prochaine étape : l’examen du projet de loi de ratification qui doit être déposé au Parlement dans les deux mois de la publication du texte au Journal officiel.
 
Ensuite, députés et sénateurs débattront de ce texte, la garde des Sceaux s’étant engagée lors de la discussion parlementaire sur le texte de loi programmation 2018-2022 et réforme de la justice (v. Après le PJL justice, place à la réforme de la justice des mineurs, Actualités du droit, 22 fév. 2019) à « laisser un temps suffisant au Parlement pour modifier l’ordonnance une fois qu’elle aura été déposée (…). Cela laissera au Parlement la possibilité de jouer pleinement son rôle ».
 
S’ouvre donc une période de neuf à douze mois, dans un calendrier parlementaire quelque peu surchargé. Des échanges qui seront néanmoins un peu contraints, la ministre ayant indiqué vouloir « faire entrer en vigueur ce texte (…) un an après son adoption par le conseil des ministres », soit le 1er octobre 2020…
 
Il a été indiqué dans le compte-rendu du Conseil des ministres du mercredi 11 septembre 2019 que « les dispositions plus favorables relatives aux mesures de sûreté seront applicables aux procédures en cours à cette date ».
Source : Actualités du droit