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Déclaration de tierce opposition au jugement d’arrêté du plan de redressement : le créancier doit y mettre les formes

Affaires - Commercial
23/02/2021
La tierce opposition formée par envoi d’une lettre recommandée au greffe est irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi. En exigeant le déplacement du demandeur ou de son avocat pour effectuer la déclaration de tierce opposition, la cour d’appel ne méconnaît pas les exigences d’un procès équitable : en l’espèce, il existe un rapport raisonnable entre cette exigence et le but légitime visé, à savoir un traitement rapide compte tenu des enjeux économiques.
S’il s’estime lésé par un plan de redressement judiciaire, un créancier peut contester le jugement ayant arrêté ce plan par la voie de la tierce opposition. En application de l’article R. 661-2 du code de commerce, cette tierce opposition est formée par déclaration au greffe dans le bref délai de dix jours à compter du prononcé du jugement.
 
Le présent arrêt précise les formes que doit revêtir cette déclaration, rappelant que « la réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, les intéressés devant s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, une réglementation, ou l'application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible, et si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois ».
 
En l’espèce, une société hôtelière X… avait été mise en redressement judiciaire le 18 décembre 2013 – procédure étendue à M. Y… le 18 mars 2015 – et un plan de redressement d'une durée de dix ans avait été arrêté par jugement du 6 octobre 2016. M. Z…, dont la créance était incluse dans le plan de redressement de M. Y…, avait formé tierce opposition à ce jugement par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe. Cette tierce opposition avait été déclarée irrecevable.
 
Déclaration par comparution au greffe
 
Pour la cour d’appel, la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe exigée par l'article R. 661-2 du code de commerce. Par voie de conséquence,
M. Z…, qui avait adressé au tribunal une déclaration par lettre sans que personne ne se soit présenté au greffe pour faire la déclaration, n'a pas respecté la forme requise, cette irrégularité de forme étant sanctionnée par une irrecevabilité. Par ailleurs, la tierce opposition faite autrement que par déclaration au greffe étant irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, celui qui invoque l'irrecevabilité n'a pas à justifier d'un grief.
 
Soutenant que le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure, conduisant à une atteinte à l'équité de cette dernière, M. Z… avait porté l’affaire devant la Cour de cassation.
 
Prise en compte des enjeux économiques
 
Selon la Haute juridiction, par ses constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas fait preuve d'un formalisme excessif, n'a pas méconnu les exigences du procès équitable.
 
Ainsi, « après avoir relevé que les modalités formelles de la tierce opposition, aussi strictes soient-elles, n'ont pas pour effet de priver les créanciers de l'exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d'impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire, et constaté que la déclaration par lettre recommandée avait été adressée au greffe par le conseil de M. Z… », l'arrêt retient exactement « que l'exigence d'une présentation au greffe n'avait pas restreint l'accès ouvert à ce créancier d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en était trouvé atteint dans sa substance même, que cette exigence tendait à un but légitime, à savoir le traitement rapide des affaires compte tenu des enjeux économiques pour le débiteur, ses créanciers, mais aussi ses salariés, et qu'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence d'un déplacement pour faire la déclaration, assurant une fiabilité maximale sans pour autant induire des coûts importants pour les contestants, et le but visé ».
 
Le pourvoi est rejeté.
 
Pour aller plus loin
Pour un complément sur la tierce opposition en cas de plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, se reporter au no 4966 de l’édition 2020 du Lamy droit commercial.

 
Source : Actualités du droit